Les travailleurs et travailleuses pauvres au Canada, avant et après la pandémie

Posted on October 6, 2023
By John Stapleton

Les travailleurs et travailleuses pauvres au Canada, avant et après la pandémie

Cette ressource est également disponible en anglais. Cliquez ici pour accéder à la version anglaise.

Écrit par John Stapleton et Yvonne Yuan d’Open Policy Ontario.

Cinq communautés s’attaquent à de grandes questions sur les travailleurs pauvres dans les communautés rurales.



Nous savons relativement peu de choses sur les travailleurs pauvres dans les régions rurales. Cinq collectivités ont uni leurs efforts pour réduire l’incidence de pauvreté des travailleurs de 5 % d’ici trois ans.  

Les travailleurs et travailleuses pauvres font l’expérience de la forme de pauvreté la plus répandue au Canada. Leur taux de pauvreté est plus élevé que celui des personnes âgées, des enfants et des personnes en situation de handicap, et même légèrement plus élevé que celui des bénéficiaires de l’aide au revenu. Pendant la pandémie de COVID-19, le Canada a atteint son objectif de réduire de moitié le taux de pauvreté du pays, qui est passé de 14,5 % en 2015 à 6,4 % en 2020. Ce sont les plus pauvres qui en ont le plus profité. 

 

Les travailleurs et travailleuses pauvres et la pandémie

Cependant, après une période où les gouvernements ont dépensé 323 milliards de dollars pour la sécurité du revenu, dont 102 milliards de dollars pour les prestations reliées à la pandémie, celles-ci ont toutes dorénavant été supprimées.  
Dans ce contexte, l’Institut Tamarack, Open Policy Ontario, la Fondation McConnell, ainsi que cinq villes de taille petite à moyenne (Trail, Colombie-Britannique, population 9,000; Drumheller, Alberta, population 9,000; Saskatoon, Saskatchewan, population 280,000; Winnipeg, Manitoba, population 450,000; et Chatham, Kent, Ontario, population 120,000) se sont jointes à une cohorte qui identifierait des projets novateurs comportant des voies de sortie pour les travailleurs et travailleuses pauvres.

La Cohorte des Communautés éradiquant la pauvreté liée au travail cherche à obtenir des changements au niveau de la population :

  • Réduire de 5 % l’incidence de travailleurs et travailleuses pauvres dans chaque communauté. 
  • Améliorer l’inclusion financière des travailleurs et travailleuses pauvres en augmentant la disponibilité et l’accès à des produits financiers alternatifs inclusifs. 
  • Augmenter le nombre de partenariats au niveau communautaire pour améliorer l’autonomisation financière, l’emploi et les possibilités de formation.  
  • Élaborer des stratégies de collecte de données pour comprendre les répercussions individuelles, communautaires et intercommunautaires.  
  • Habiliter et inclure les travailleurs et travailleuses pauvres en tant que leadeurs à tous les niveaux du projet ; et, 
  • Décrire des stratégies potentielles qui pourraient être adaptées partout au Canada.

 

Une réalité contrastante dans les villes : nos zones urbaines les plus riches sont aussi les plus pauvres

De 2011 à 2019, la Metcalf Foundation a publié trois rapports sur les travailleurs et travailleuses pauvres de la région de Toronto. Ces rapports (ainsi qu’un rapport du Canadian Centre on Policy Alternatives à Vancouver et un rapport de Centraide à Montréal) ont révélé beaucoup d’information sur la pauvreté liée au travail dans certaines des plus grandes villes du Canada. (Voir les sources ci-dessous.)

Nous avons appris qu’un grand nombre de professionnels urbains dans chaque ville ont besoin d’une cohorte presque égale de personnes payées avec des salaires très bas pour leur servir du café et de la nourriture, promener leurs chiens, entretenir leurs jardins, s’occuper de leurs enfants et nettoyer leurs bureaux. C’est pourquoi nos villes les plus riches sont aussi nos villes les plus pauvres.

Nous avons concocté une énigme : « Quelle est la différence entre le centre-ville de Toronto et Downton Abbey ? » Réponse : « À Downton Abbey, les travailleurs et travailleuses pauvres ont pu y vivre. »

Nous avons appris que les travailleurs pauvres sont légèrement plus nombreux que les femmes, que la pauvreté malgré l’emploi est fortement racialisée et que nos banlieues abritent plus de travailleurs et travailleuses pauvres que les centres-villes. Nous avons constaté que les travailleurs et travailleuses pauvres font souvent des trajets beaucoup plus longs pour se rendre à leur emploi. Nous avons appris qu’en général, les nouveaux et nouvelles immigrant·e·s sont plus susceptibles d’être des travailleurs et travailleuses pauvres que les générations qui suivent. Nous avons découvert que les personnes noires de la région de Toronto sont plus susceptibles d’être des travailleurs et travailleuses pauvres dans les générations qui suivent leur arrivée en tant qu’immigrant·e·s.

 

La pauvreté liée à l’emploi se conjugue différemment dans les petites localités que dans les grandes villes

En dépit de la compréhension que ces considérations nous apportent, nous en savons relativement peu sur la pauvreté liée à l’emploi dans les petites localités, sauf que celles-ci comptent moins de travailleurs et travailleuses pauvres. Nous avons émis l’hypothèse que ces petites localités comportaient une population de professionnels moindre et que par conséquent, il y avait un moins grand besoin de travailleurs peu rémunérés. Nous avons conclu que ces localités avaient moins d’emplois à offrir et que l’accès au transport en commun était plus difficile. Mais nous ne comprenions pas vraiment comment la pauvreté liée à l’emploi différait entre les grands et les plus petits centres. 

Nos cinq communautés de la Cohorte éradiquant la pauvreté s’appuient sur leur compréhension locale de cette question complexe pour nous aider à comprendre comment la réalité des travailleurs et travailleuses pauvres dans les petits centres est très différente de celle des grandes villes :

  • Drumheller, en Alberta, est une ville touristique vivant une pénurie de logements. 
  • Trail, en Colombie-Britannique, est une ville minière dont l’économie est axée sur l’extraction minière.
  • Saskatoon, en Saskatchewan, possède une université et un centre de santé. 
  • Winnipeg, en Manitoba, est une capitale qui accueille des milliers de jeunes Autochtones. 
  • Chatham-Kent, en Ontario, se trouve sur une voie de transport importante et possède une économie agricole et manufacturière automobile.

À Drumheller, la pauvreté liée à l’emploi est en partie causée par la baisse saisonnière de l’industrie touristique, tandis qu’à Drumheller et à Trail, la pauvreté liée à l’emploi est plus standardisée, du fait que les femmes continuent d’avoir un travail dit « col rose » peu rémunéré. À Saskatoon et à Winnipeg, il y a plus de travailleurs et travailleuses pauvres autochtones que d’immigrant·e·s ou de personnes racialisées et les travailleurs et travailleuses à temps plein au salaire minimum vivent avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté respectif des deux villes. À Chatham Kent, les travailleurs et travailleuses pauvres sont plus susceptibles de provenir du secteur agricole et du secteur en périphérie de la chaîne d’approvisionnement automobile. 

Au fur et à mesure que l’Institut Tamarack, Open Policy, McConnell et ces cinq communautés ont continué à analyser la réalité des travailleurs et travailleuses pauvre au Canada, ils ont réalisé qu’il existe de multiples variétés de types de travails reliés à la pauvreté au Canada, et de multiples solutions pour augmenter les revenus des travailleurs et travailleuses.  
Pour les grandes villes, nous savons déjà qu’il est essentiel de lutter contre le racisme, de réglementer le coût des logements locatifs, d’améliorer le transport en commun tout en réduisant ses coûts et d’augmenter les salaires. Ces solutions aident à leurs tours les petits centres. 

Mais que se passe-t-il dans les petites collectivités lorsque le transport en commun n’est pas offert ? Où lorsque la blancheur des communautés signifie qu’il y a peu ou aucune pauvreté racialisée ? Où que les solutions de garde d’enfants ne sont pas présentes ? Pouvons-nous bâtir une description englobante du travail relié à la pauvreté lorsque, dans certains centres, le problème le plus urgent consiste à fournir de bons emplois aux jeunes Autochtones ? 

Que pouvons-nous comprendre avec certitude et de façon générale lorsque certaines provinces (Colombie-Britannique, Alberta et Ontario) veillent à ce que les personnes qui travaillent à temps plein toute l’année sortent de la pauvreté, alors que d’autres (Saskatchewan et Manitoba) ont des lois sur l’imposition et le salaire minimum qui maintiennent les travailleurs et travailleuses à temps plein dans la pauvreté ?

Pouvons-nous décrire une situation générale où plus d’hommes sont des travailleurs pauvres dans les grands centres, alors que plus de femmes travaillent dans la pauvreté au sein des petites collectivités ?

Tel est notre défi. Au cours des deux prochaines années, nous continuerons de travailler à extraire une vision d’ensemble plus nuancée, véridique et complète de la réalité des travailleurs et travailleuses pauvres.

Relever les défis dans les cinq centres

Drumheller, Alberta

Membre fondateur de l’Alberta Living Wage Network, la ville de Drumheller prévoit de promouvoir le lancement de son calcul du salaire vital pour 2022 tout en s’engageant davantage auprès des entreprises locales et de nouveaux partenaires en dehors des professions d’aide. 

Trail, Colombie-Britannique

À Trail, selon la spécialiste de projet Heather Glenn-Dergousoff du Centre de compétences, « Faire partie de l’initiative Ending Working Poverty a suscité l’engagement et l’enthousiasme au sein de notre collectivité. Cela a relancé et revigoré les fournisseurs de services locaux et encouragé les travailleurs et travailleuses de première ligne à participer à cette excellente initiative. »

Saskatoon, Saskatchewan

À Saskatoon, l’idée porteuse qu’ils exploreront est la façon dont nous pouvons aborder et parler autrement de la création d’actifs et de richesse, tout en réalisant que le transfert de richesse intergénérationnel n’est pas une réalité pour de nombreuses personnes vivant dans la pauvreté. Entre-temps, leur équipe a réussi à demander et à obtenir un accès Internet au centre-ville, ce qui sera d’un grand secours pour les travailleurs et travailleuses à faible revenu de cette ville.

Winnipeg, Manitoba

À Winnipeg, la volonté d’harmoniser la main-d’œuvre des jeunes Autochtones avec la démographie de la ville est présente, bien qu’ils reconnaissent qu’il est très coûteux de commencer un nouvel emploi. L’équipe du projet réussit malgré tout à créer des conditions de travail culturellement sûres où les jeunes Autochtones ont un accès équitable à des emplois, à une formation continue et à des soutiens holistiques (mentaux, physiques, émotionnels, spirituels et financiers) qui favorisent une transition réussie de la préembauche à l’emploi en continu.

Chatham-Kent, Ontario

La ville de Chatham-Kent élabore des stratégies et des possibilités d’emplois pour les personnes âgées qui retournent sur le marché du travail, pour les entrepreneur·euse·s qui veulent lancer et faire croître leur entreprise, et investissent dans la formation en entrepreneuriat destinée aux populations traditionnellement marginalisées sur le plan économique.

En plus de la Cohorte des Communautés éradiquant la pauvreté liée au travail, la Banque TD et l’Institut Tamarack organisent conjointement un groupe de travail qui comprend des personnes ayant une expérience vécue de la problématique et des organismes à but non lucratif de Chatham-Kent, de Drumheller, ainsi que de Bruce-Grey, en Ontario et à Vancouver. Ensemble, ils et elles explorent les obstacles et les solutions que les instituts financiers traditionnels, comme la Banque TD, peuvent contribuer à l’accroissement de l’inclusion financière des travailleurs pauvres.

Aucun gouvernement ou organisation ne peut mettre fin à la pauvreté seul, cependant, l’approche d’impact collectif au niveau local peut servir de levier pour générer des changements au sein des secteurs public, privé et sociaux. L’initiative Ending Working Poverty vise à rassembler tous les secteurs à l’échelle locale afin de réduire la pauvreté au travail de 5 % en trois ans dans cinq collectivités. 

 

Conclusion

Manifestement, lorsque nous nous sommes d’abord penchés sur le sujet du travail pauvre à Toronto, à Vancouver et à Montréal, nous pensions à la culture urbaine et les économies diversifiées des grandes villes.  
Cependant, nous avons constaté que la réalité urbaine fait partie du tableau, mais ne constitue pas la seule réalité. Au cours des deux prochaines années, le travail de la Cohorte des Communautés éradiquant la pauvreté liée au travail consiste à cerner les éléments manquants à cette réflexion importante et à trouver des façons novatrices de réduire significativement l’incidence de travail pauvre dans ces communautés.

Restez à l’affût ! 

 

En savoir plus : (Articles d’origine en anglais seulement)

Topics:
Rural, French Blog, Communautés éliminant la pauvreté, Pauvreté


John Stapleton

By John Stapleton

John Stapleton est écrivain, formateur et ancien boursier en innovation de la Fondation Metcalf. Il a travaillé pour le gouvernement de l’Ontario pendant 28 ans dans les domaines de la politique et des opérations d’aide sociale et a été directeur de recherche pour le Groupe de travail sur la modernisation de la sécurité du revenu des adultes en âge de travailler à Toronto. John enseigne les politiques publiques pour les défenseurs et défenseuses de la communauté et est largement publié dans les médias locaux et nationaux.

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