Comment établir des liens : une visite à Davos suscite des rencontres et des questions

Posted on February 22, 2024
By l'Institut Tamarack

 

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Cette ressource est également disponible en anglais. Cliquez ici pour accéder à la version anglaise.

 

Plus tôt ce mois-ci, j’ai assisté pour la première fois à la 54e réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos, en Suisse. Il en est ressorti pour moi, un ensemble d’outils plus nuancés sur la façon d’échanger dans différentes langues, et ce document de réflexion les présente.

J’étais dans cet espace privilégié parce que l’Institut Tamarack est l’un des premiers lauréats de l’innovation sociale collective de la Fondation Schwab, avec MapBiomas (Brésil), le ProjectTogether (Allemagne) et le Punjab Education Collective (Inde).

La semaine a commencé et s’est terminée avec d’autres membres de la communauté d’innovation sociale de Schwab. Parmi leurs innovations figurent celles qui visent à concevoir et à mettre en œuvre des politiques publiques nationales qui promulguent l’économie sociale et solidaire, afin de protéger 35 millions d’hectares de forêts tropicales humides sous la tutelle des peuples autochtones et de favoriser un changement systémique centré sur la jeunesse.

En plus d’heures révélatrices passées au sein de cette communauté, il y a également eu du temps consacré à la réunion annuelle, une expérience multiniveau comprenant de la haute sécurité et un environnement axé sur l’IA et la technologie, où j’ai pu perfectionner ma connaissance de nouveaux outils — et où mon expérience m’a rappelé que la communauté constitue la base de ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui.

 

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Au sujet de la langue que nous parlons

L’une des premières personnes que j’ai rencontrées à Davos avait comme langue maternelle l’espagnol. Je parle espagnol comme quelqu’un qui parlait couramment il y a longtemps, mais qui n’a pas pratiqué beaucoup au cours des 15 dernières années. Je peux parler des livres et de la météo, mais je ne peux pas parler en profondeur de l’établissement de partenariats communautaires, de l’établissement de liens de confiance entre les secteurs ou de l’atteinte de résultats équitables. Ce genre de conversation nécessite une énergie mentale massive de ma part. Au cours de cette rencontre (et chaque fois que je parlais avec quelqu’un dans ma langue maternelle, mais pas la leur), j’ai ressenti de la gratitude pour la façon dont ils/elles m’ont accueilli. Les questions que je poserai à l’avenir comprennent :

  • que sais-je au sujet des langues parlées autour de moi ?
  • comment puis-je favoriser des espaces où tout le monde peut partager pleinement ?
  • comment puis-je utiliser le rythme, les visuels et d’autres outils pour rendre ce que je partage plus accessible ?

Un jour plus tard, lors d’une séance sur les vulnérabilités financières, j’ai repensé au langage.

Dans mon travail, la vulnérabilité financière consiste en ce que tous puissent obtenir des moyens accessibles, abordables et non exploitables de capital financier et de pouvoir le faire croître.

Les panélistes de cette séance ont utilisé les vulnérabilités financières différemment. Pour eux, les mots font référence aux risques que présentent les taux d’intérêt élevés et la volatilité des prix pour les institutions financières.

Les panélistes ont aussi beaucoup utilisé le mot « équité », mais pas dans le contexte dans lequel je l’utilise, c’est-à-dire celui de donner à chacun.e ce dont il/elle a besoin pour réussir, même si cela signifie donner à certaines personnes plus d’accès et des ressources que d’autres. Au cours de cette séance, le mot « équité » faisait le plus souvent référence à l’intérêt de propriété d’une entreprise ou un autre type d’actif.

J’utilise beaucoup de mots avec un sens qui m’est propre sur ce qu’ils veulent dire, tout comme les autres participant.e.s au groupe ce matin-là. J’ai fait part de cette observation à l’un.e des panélistes après la séance. Nous avons parlé pendant un certain temps et nous nous sommes mis d’accord sur le fait que la signification que nous donnons aux mots provient de notre exposition particulière au quotidien, de nos expériences et de nos objectifs.

Travailler ensemble en utilisant des langues, des secteurs et des lieux particuliers nous demandent d’être des observateur.rice.s attentif.ve.s. Nous devons noter quand les réalités quotidiennes des personnes que nous rencontrons les incitent à utiliser les mots différemment de nous, selon leur contexte (ou d’utiliser les mêmes mots, mais avec des significations très différentes).

Nous ne pouvons pas toujours maîtriser la langue de nos collaborateur.rice.s, cependant, nous pouvons utiliser la question comme outil pour pallier à la situation :

  • quels outils de mesure utilisons-nous, surtout en ce qui a trait aux impacts sur le travail planétaire, sur les personnes et sur les groupes méritants l’équité ?
  • Quels sont les éléments identitaires et les expériences que je véhicule que mes collaborateur.rice.s pourraient ne pas partager ?
  • Quels mots puis-je utiliser pour établir un lien et une réflexion, plutôt que de la frustration, de la culpabilité ou une attitude défensive ?
  • Comment puis-je encourager l’autre à nommer son incompréhension lorsque (inévitablement) nous ne sommes pas sûrs de nous comprendre ?

Lors du rassemblement de l’Institut Tamarack en juin 2023 sur le territoire du Traité 6, Cheryl Whiskeyjack a noté que de nombreuses personnes racisées, autochtones, musulmanes, 2SLGBTQIA+, en situation de handicap et de langue officielle minoritaire, vivent dans deux mondes. Ceux et celles d’entre nous qui ne vivent pas ces intersectionnalités sont appelés à entrer dans ces réalités. Il ne s’agit pas de se rencontrer à mi-chemin. Il ne s’agit pas de tremper son orteil. Il s’agit d’entrer pleinement dans une réalité inconnu.

Des suites de mon immersion intensive dans d’autres industries et secteurs à Davos, j’approfondis cette sagesse d’une façon accrue. Je m’engage à nouveau à tenter de comprendre le langage d’autruis.

 

Sur la façon dont nous travaillons ensemble

À Davos, j’ai rencontré des chefs d’entreprise, des innovateurs sociaux et des chef.fe.s d’État engagé.e.s dans la quête d’un monde plus juste et pacifique, pour tous les êtres vivants. Ils/elles avaient des motivations, des valeurs, des expériences vécues des théories et des rôles différents en lien avec la façon d’y arriver, mais ils/elles aspiraient tous — pour reprendre les mots de Heather McGee — à matérialiser de «belles choses » pour les gens et les lieux. Beaucoup d’entre eux et elles étaient submergé.e.s par la profondeur et l’ampleur des inégalités de notre monde. Beaucoup d’entre eux et elles se sentaient hésitant.e.s sur ce qu’ils et elles pouvaient dire ou faire. Beaucoup d’entre eux et elles se sentaient entraîné.e.s dans trop de directions différentes pour faire quoi que ce soit.

Beaucoup de personnes pensent et agissent pour que de bonnes choses deviennent réalité. Ce qui manque, c’est la coordination de toutes ces bonnes choses. À une époque où la division et la déconnexion font partie de nos vies, il n’y a jamais eu d’époques aussi importantes pour créer des partenariats — et en particulier des partenariats locaux. À Davos, j’ai reçu et posé des questions qui m’ont fait passer de petites conversations (ou aucune conversation) aux conversations d’importance, intimes et imaginatives. À l’avenir, je poserai des questions comme :

  • qui a contribué le plus à vous transformer ?
  • quelles expériences vous ont façonné ?
  • quelle est votre étoile guide ? Quel monde tentez-vous de créer ?
  • nommez-moi une chose que je ne connaît pas à votre propos ?
  • que pourrions-nous construire ensemble ?

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La plupart des personnes que j’ai rencontrées à Davos étaient attentif.ve.s, désireux.ses de se connecter avec les autres et insatisfait.e.s du statu quo. Ils et elles pouvaient nommer des choses qui leur causaient du chagrin ou de la douleur. Presque toutes les personnes à qui j’ai écrit depuis mon retour ont répondu par écrit — et se sont engagées à discuter de nouveau. Le travail qui m’attend consiste à établir des partenariats avec des personnes qui ont vécu une vie différente de la mienne. La convergence de nos expériences constitue le lieu où l’innovation et le progrès peuvent naître.

 

À propos de la gratitude

Nous avons été exceptionnellement bien traités à Davos. Les salles de bains et les espaces de réunion étaient propres et accueillants, nous avions amplement de nourriture et d’eau, et nous avions des endroits pour laisser nos manteaux et nos bottes lorsque nous sommes rentrés du froid de l’extérieur.

Au moment où j’écris ces lignes, des milliards de personnes n’ont pas accès à ces droits de la personne fondamentaux.

Des milliers de personnes ont travaillé dans les coulisses (et silencieusement dans le pourtour des espaces de réunion) afin de rendre possible la 54e édition de « l’expérience de Davos ». Merci aux personnes qui travaillent dans les services d’alimentation, la garde d’enfants, la sécurité, l’accueil et la conciergerie. Sans vous, l’occasion d’une plus grande mise en commun et d’une solidarité n’existe pas.

 

Laura Schnurr, Jessica Gilligan, et Rucha Pande ont proposées des modifications sur ce billet de blogue. Antoinette Brind'Amour l’a traduit de l’anglais vers le français.

 

Contenus connexes (en anglais seulement)

Les vidéos de Danya à Davos sur Instagram

Les vidéos de Danya à Davos sur LinkedIn

Encore plus de matériel connexe (en anglais seulement) The collective social innovation award par Liz Weaver

Five reflections from the 2023 WEF and five implications for changemakers par Liz Weaver et Danya Pastuszek

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