introduction
Partout au Canada, les communautés sont confrontées à des défis sociaux, économiques et de santé publique complexes et interconnectés, dont plusieurs touchent de manière disproportionnée les populations marginalisées. Ces enjeux sont profondément enracinés dans les inégalités systémiques intégrées à nos structures sociétales.
Le Fonds d’action intersectorielle (FAI) de l’Agence de la santé publique du Canada contribue à relever ces défis en investissant dans des projets innovants et intersectoriels conçus pour éliminer les obstacles et favoriser des changements systémiques durables.
En 2022-2023, le FAI a financé l’Institut Tamarack pour l’engagement communautaire afin de fournir un soutien en renforcement des capacités aux 13 projets financés. Dans le cadre de cette initiative, Tamarack a collaboré avec plusieurs projets intéressés à co-développer des études de cas mettant en lumière leur travail et leurs réalisations. Cinq organismes financés en 2022-2023 ont accepté d’y participer : la Ville de Delta, la Ville du Grand Sudbury, le Centre de santé intercommunautaire de London, Early Childhood Development Initiative, et Altered Minds Inc.
Ces cinq projets présentaient une grande diversité en termes d’enjeux, de contextes géographiques et d’échelles d’intervention (voir figure 1)

Cette étude de cas de synthèse présente les principales leçons, observations et tendances communes dégagées par l’Institut Tamarack pour l’engagement communautaire au cours du processus d'élaboration conjointe des cinq études de cas. En partageant leur sagesse collective et en mettant en évidence les thèmes récurrents, cette étude de cas de synthèse vise à inspirer et à outiller ceux qui œuvrent à faire progresser l'équité et à renforcer la résilience des communautés partout au pays.
Perspectives et tendances dans les initiatives finances par le FAI
Malgré la diversité des approches et de la portée de ces cinq projets financés par le FAI, sept tendances communes se dégagent de leur mise en œuvre. Ensemble, elles offrent des enseignements importants pour les initiatives futures visant à faire progresser l’équité, améliorer la santé de la population et agir positivement sur les déterminants sociaux de la santé.
Modèle n° 1 | Intégrer de nouvelles voix au tissu communautaire
Chaque projet financé par le FAI a intentionnellement intégré l’équité au sein des structures des organismes et des communautés existantes. On peut imaginer une tapisserie dynamique où chaque fil représente un groupe, un organisme ou un secteur œuvrant vers un objectif commun: l’équité. Or, bien souvent, les fils les plus essentiels, les voix des personnes les plus touchées par les obstacles systémiques, en sont absents.
Ces projets ont comblé ces lacunes en mettant l’accent sur l’expérience vécue, en s’engageant profondément auprès des communautés marginalisées et en cocréant de nouvelles solutions plus adaptées. De Winnipeg au Manitoba à Delta en Colombie-Britannique, les initiatives du FAI ont transformé les systèmes de l’intérieur, en intégrant l’équité non pas comme un ajout, mais comme le fondement même de leur travail.
Modèle n° 2 | Le changement commence par les relations et l’apprentissage collaboratif
Un thème constant dans tous les projets était l’importance capitale d’établir et d’entretenir la confiance et des relations entre les divers secteurs et partenaires, y compris ceux qui ont vécu ou vivent actuellement cette expérience. Les leaders du projet ont donné la priorité à l’établissement de liens authentiques entre des partenaires variés, en particulier ceux issus de groupes marginalisés.
Chaque initiative a créé des espaces dédiés au dialogue honnête, au partage des connaissances et a l’exploration collaborative. Cette approche a non seulement permis d’approfondir la compréhension des enjeux, mais aussi de catalyser l’action commune. La confiance est devenue le fondement permettant de faire avancer des solutions audacieuses, d’aligner les différentes parties prenantes et de maintenir l’élan nécessaire au changement systémique.
Modèle n° 3 | La sagesse de l’expérience vécue et en cours est essentielle
Tous les projets ont reconnu qu’un changement significatif commence par mettre au centre la sagesse des personnes les plus touchées par les inégalités systémiques. Lorsque les communautés sont engagées comme cocréatrices, et non simplement consultées, les solutions deviennent plus pertinentes, plus efficaces et mieux ancrées dans la réalité. Ce renversement des dynamiques de pouvoir a permis de faire émerger des perspectives souvent négligées, de remettre en question les présupposés habituels et de concevoir des stratégies véritablement alignées sur les besoins et les aspirations des communautés desservies.
Modèle n° 4 | Des solutions efficaces sont contextuelles et axées sur la communauté
Chaque projet du FAI s’est concentré sur la réduction des obstacles à l’accès équitable aux services, qu’il s’agisse des difficultés linguistiques, des contraintes financières ou d’un manque de soutien culturellement adapté. Chaque projet a répondu à ces défis en concevant des solutions adaptées au contexte et au territoire. Ces interventions se sont appuyées sur les connaissances des personnes ayant vécu cette expérience, sur les forces des partenaires communautaires et sur les conditions propres à chaque milieu.
Bien que les solutions aient été locales, la cohérence de l’approche entre les projets, menée par la communauté, axée sur l’équité et fondée sur les relations, met en lumière un modèle transférable, pouvant être adapté à d’autres contextes, ce qui rend ces innovations à la fois percutantes et évolutives.
Modèle n° 5 | Faire progresser l’équité exige d’éliminer les obstacles systémiques
Une autre caractéristique commune à tous les projets financés par le FAI est l’accent mis sur le développement et l’expérimentation d’approches nouvelles et innovantes, plus ambitieuses que de simples améliorations modestes des pratiques actuelles. Plutôt que de se contenter de changements progressifs, les projets du FAI ont misé sur des interventions audacieuses et systémiques visant à remettre en question les pratiques bien ancrées, à éliminer les obstacles structurels et à mobiliser les ressources existantes de manière nouvelle et plus efficace. Cet engagement à s'attaquer aux causes profondes, et non pas seulement à apporter des améliorations superficielles, a permis aux projets d'ancrer l'équité dans les systèmes organisationnels et communautaires, jetant ainsi les bases d'un impact durable.
Le financement et la conception du programme du FAI ont permis à chaque projet de mettre en œuvre des expérimentations concrètes pour lever les obstacles, intégrer l’équité dans les pratiques communautaires, mobiliser et réorienter les ressources existantes, et générer des résultats et des impacts durables.
Modèle n° 6 | La collaboration intersectorielle stimule l’innovation
La collaboration entre les secteurs et les silos a constitué une caractéristique essentielle de chacun des projets. En réunissant des partenaires diversifiés (santé, éducation, communautaire, justice, logement), les projets ont acquis une vision plus holistique des enjeux et ont généré des solutions qu'aucune organisation n'aurait pu développer seule. La collaboration entre divers secteurs et perspectives a conduit à des approches plus globales pour relever les défis systémiques.
L’accent mis par le programme du FAI sur l’engagement inclusif et intersectoriel a donné lieu à des partenariats créatifs, au renforcement des capacités et à des innovations coconçues qui ont permis de répondre à des défis complexes avec nuance et profondeur.
Modèle n° 7 | Le financement du FAI agit comme catalyseur de solutions novatrices
Les relations et la collaboration entre les partenaires existaient souvent avant le lancement des projets financés par le FAI, mais certains ont mentionné que l’opportunité et le financement offerts par le programme avaient été un catalyseur pour une action commune. Ils ont donné l’élan nécessaire pour faire progresser les réflexions communes et affiner la conception de prototypes de nouvelles solutions visant à éliminer les obstacles systémiques qui entravent l’accès équitable aux déterminants sociaux de la santé. Pris ensemble, ces projets offrent des idées inspirantes qui méritent d’être diffusées largement afin d’encourager d’autres groupes et collectivités à mettre en œuvre ces approches ou à s’en inspirer pour développer des solutions similaires à des enjeux connexes.
Leçons apprises : une sagesse collective pour les futurs changements systémiques
- Investir dans des solutions locales pour favoriser le changement systémique : se concentrer sur des solutions locales permet d'aborder des enjeux complexes, comme l'équité en santé, à une échelle concrète et réalisable. Lorsque les solutions sont élaborées en collaboration avec les communautés et qu'elles placent au centre les personnes ayant vécue ou actuelle, elles sont souvent plus inclusives, plus innovantes, s'appuient sur des ressources diversifiées et s’intègrent plus solidement aux systèmes existants. Cela accroît les chances que les résultats se maintiennent au-delà d'une seule subvention et qu’ils servent de catalyseur à un changement systémique plus large.
- La collaboration intersectorielle est essentielle : les causes profondes des inégalités en santé, du racisme systémique et des obstacles à l'accès sont trop complexes et interconnectées pour qu'un seul secteur puisse les résoudre seul. Briser les cloisonnements et bâtir des partenariats intersectoriels permet de mieux cerner les possibilités d'action et d’amplifier l'impact des efforts collectifs.
- L'adaptabilité est une force : Les projets les plus réussis privilégient l’apprentissage et la réactivité plutôt qu’une mise en œuvre rigide. Ils font preuve de souplesse et utilisent la rétroaction en temps réel pour ajuster leurs stratégies afin de demeurer alignés sur les besoins de la communauté. Cette approche adaptative leur permet de rester pertinents et résilients face à l’évolution des défis, tout en offrant des enseignements précieux pour d’autres initiatives.
- Établir la confiance est indispensable : une collaboration efficace repose sur des relations solides et une confiance mutuelle. Bâtir cette confiance exige du temps et des efforts intentionnels, mais c'est fondamental. Le changement systémique repose avant tout sur les personnes, et la confiance en est la monnaie d’échange qui permet le progrès. Investir dans les relations n'est pas facultatif : c'est une condition essentielle pour atteindre un changement durable et significatif.
Conclusion
Le programme du FAI offre une occasion unique et précieuse de catalyser des projets novateurs qui démontrent et valident un nouveau paradigme pour faire progresser le changement au sein des communautés et des systèmes, contribuant ainsi à faire du Canada une société plus équitable, plus juste et plus réactive pour tous. Ce paradigme repose d’abord sur la promotion de la collaboration intersectorielle, en plaçant au centre le savoir et la sagesse des personnes ayant une expérience vécue des enjeux que l’on souhaite aborder, et en intégrant leur leadership dans le développement et l’expérimentation de nouvelles approches, politiques et pratiques au sein des organisations et systèmes existants.
Cette approche intersectorielle exige que les personnes impliquées investissent du temps pour apprendre ensemble, remettre en question leurs présupposés et approfondir leur compréhension commune des enjeux, dans le but de générer des solutions novatrices. Elle nous rappelle qu’au cœur de chaque système se trouvent des êtres humains, et que lorsque ces personnes sont outillées, écoutées et soutenues pour travailler ensemble, le changement réel n’est pas seulement possible, il devient inévitable. Le parcours de ces projets n’est pas seulement une histoire de défis surmontés, mais aussi un témoignage du pouvoir de l’action communautaire multisectorielle et de sa capacité à réinventer l’équité à l'intersection des différents domaines de la santé publique.
